mercredi 21 mars 2007

20 + 20 = 20 en 2020 ou ...

Energie: vers l'Europe des projets ?


jeudi 1 mars 2007

Pour le "Facteur 4"

Entretien pour l'Usine à GES, N° 30 Février 2007


UàGES: Le salut climatique passe par une division par 4 des émissions de GES dans les pays industrialisés. Les instruments économiques peuvent-ils nous aider à atteindre cet objectif ?

Patrick Criqui : Il faut bien distinguer les politiques volontaires de type Facteur 4 et les changements qui découleront de toute façon de la raréfaction progressive du pétrole et du gaz, à laquelle devront s’adapter les systèmes énergétiques de l'Europe occidentale comme des autres régions du monde. D’où les risques qui découlent d'un report massif vers d'autres sources d'approvisionnement en énergie.

UàGES: Vous pensez au charbon ?

Patrick Criqui : Son utilisation progresserait dans la production d’électricité, mais pas seulement. On envisage aussi d’utiliser le charbon pour produire du carburant liquide. Et si les Etats-Unis poursuivent l’objectif – annoncé par George Bush dans son discours sur l’état de l’Union – de réduire de 20% en dix ans la consommation de pétrole, ils ne pourront pas faire autrement, en plus du renforcement des normes et du recours à l’éthanol, que d’utiliser massivement le charbon.

UàGES: Ce qui accroîtra les émissions de CO2.

Patrick Criqui : Evidemment. À l’échéance de 2050, on prévoit, dans les scénario sans politiques climatiques, un doublement de la consommation d’énergie. Cela conduit inévitablement, et même si les parts des énergies renouvelables et du nucléaire progressent, à plus qu’un doublement de la consommation mondiale de charbon. Et donc des rejets carbonés dans l’atmosphère. Ce qui nous entraîne tout droit vers des trajectoires de concentration de CO2 dans l’atmosphère de l’ordre de 900 ppmv. Nous entrerions alors dans une zone extrêmement dangereuse pour le climat global. En résumé, les scenarii d'ajustement d'adaptation à la raréfaction des hydrocarbures nous conduisent à accroître notre consommation de charbon, et donc à une augmentation inacceptable de la concentration du dioxyde de carbone dans l’atmosphère.

UàGES:Les économistes entrevoient-ils un autre scénario ?

Patrick Criqui : La mise en route du protocole de Kyoto et de ses déclinaisons nationales, comme le Plan Climat 2004 en France, sont un bon début. Mais cela n’est que la première phase d’une grande mutation à accomplir. Il reste encore à mettre en œuvre les outils et les mesures qui permettront de changer profondément et durablement les comportements comme les technologies.

UàGES: Et que nous prescrit la science économique ?

Patrick Criqui : La boîte à outil des économistes nous a déjà fourni – avec ce qu’on appelle les « instruments économiques pour l’environnement » – les dispositifs de flexibilité pour la réduction des émissions, dont le plus célèbre en Europe est le marché des quotas d’émissions. C’est un premier pas important puisqu’il couvre déjà la moitié des émissions de l’Union et que certains Etats américains réfléchissent à des dispositifs proches. Il devrait aider l’industrie lourde et le secteur électrique des pays industrialisés à faire les bons choix d’investissements. Mais cela ne suffira pas.

UàGES: Pour quelle raison ?

Patrick Criqui : Parce que, s'il est théoriquement possible de distribuer des permis échangeables à tous les émetteurs de GES dans les sources diffuses, la mise en œuvre serait probablement très difficile. Il faut donc trouver d’autres systèmes pour les émissions des bâtiments et des transports, comme la taxe sur les émissions de CO2.

UàGES: De combien le prix de l’essence doit-il augmenter ?

Patrick Criqui : On ne fera pas évoluer les comportements si les prix des carburants et des combustibles n’augmentent que de manière modérée, disons de 20% à 30% en 50 ans. Ce n’est pas réaliste. D’autant, qu’à terme, les hausses de prix seront compensées, par la diminution de la consommation des véhicules et des systèmes de chauffage. Pour atteindre un objectif de type Facteur 4, le seul efficace sur le plan climatique, il faut appliquer une taxe de lutte contre le changement climatique (TLCC) différenciée qui, en ordre de grandeur, ferait doubler le prix de l’énergie dans tous les secteurs d’activité. Il faut donc imaginer un doublement du prix de l'essence en 2050. Cela n'est pas inconcevable si l'augmentation est programmée.

UàGES: La fiscalité, seule, suffira-t-elle ?

Patrick Criqui : Bien sûr que non. Mais elle constituera un élément essentiel pour le déclenchement des ruptures technologiques et des changements de comportement, dans toutes les activités économiques. Ce n'est donc pas une condition suffisante, mais c'est une condition nécessaire de la grande mutation que nous devons engager.