vendredi 13 mars 2009

Une nouvelle phase de "destruction créatrice"

Le Green business, atout ou contrainte dans un plan de relance ?
dans le Nouvel Economiste N°1467 du 12 mars 2009, page 4

lundi 2 mars 2009

Le nucléaire en débat

Publié dans l'Atlas du Monde Diplomatique 2009

L’énergie nucléaire civile a connu son premier essor au lendemain du choc pétrolier de 1973-1974. Il avait fallu auparavant vingt ans pour construire les premiers pilotes industriels et la hausse des prix du pétrole d’alors semblait confirmer les sombres prédictions du Club de Rome sur la raréfaction des énergies fossiles et des matières premières. C’est dans ce contexte de rareté pétrolière anticipée que furent déclenchés les grands programmes qui permettent aujourd’hui au nucléaire de représenter 20% de l’électricité produite dans le monde, avec 20% également aux Etats-Unis, mais 30% au Japon, 55% en Belgique et 80% en France. Entre le premier choc pétrolier et aujourd’hui, il y eut un développement initialement vigoureux mais rapidement interrompu dans la plupart des pays, notamment suite aux accidents de Three Mile Island en 1979, puis de Tchernobyl en 1986. L’histoire de l’énergie nucléaire est donc l’histoire d’un boom puis d’une crise profonde. Mais beaucoup se demandent aujourd’hui si cette crise n’est pas en train de prendre fin.

Les conditions semblent en effet à nouveau favorables au développement du nucléaire : après plus de vingt ans d’accalmie, les signaux d’alerte sur le pétrole étaient passés au rouge avant la crise économique et la situation demeure très inquiétante. Mais surtout les perspectives du nucléaire ont été modifiées en profondeur, au fur et à mesure que se précisait le danger du changement climatique, au fil des quatre rapports remis à ce jour par le Groupe Intergouvernemental d’experts sur l’Evolution du Climat : s’il l’on souhaite vraiment limiter la hausse de la température moyenne à 2°C par rapport à la période préindustrielle, alors il faut viser une division par deux des émissions mondiales de gaz à effet de serre de 2050, en comparaison de 1990.

Sous ces contraintes, même avec des hypothèses extrêmement optimistes sur les technologies dites de capture et stockage du CO2 (CSC), la consommation acceptable d’énergies fossiles du monde en 2050 sera très limitée. Et les calculs sont rapidement faits : supposons qu’en 2050 le taux de CSC atteigne 50% des consommations totales de fossiles, alors la division par deux des émissions impliquera que l’on ne pourra pas consommer à cet horizon plus de fossiles qu’en 1990. Or on sait que la demande mondiale d’énergie devrait entretemps au moins doubler et il y a donc un « gap » considérable entre la demande potentielle et l’offre acceptable en termes d’environnement global ...

Pour résoudre cette difficile équation, les solutions, en dehors de la capture et stockage du CO2 déjà citée, ne sont pas légion : il y a d’abord l’efficacité énergétique qui jouera sans doute le premier rôle, puis les renouvelables, et enfin le nucléaire. Tout porte à penser qu’un avenir énergétique durable supposera la mobilisation de chacune de ces options. Dans quelles proportions, c’est là toute la question. Si les renouvelables ont leurs limites, le nucléaire ne constitue certainement pas une solution miracle et l’on relève, parmi les risques aujourd’hui identifiés : le risque d’irradiation des travailleurs ou populations voisines en fonctionnement normal des installations, les risques d’accident entrainant des fuites significatives de matières radioactives voire la fusion du cœur du réacteur, les risques découlant de la gestion des déchets à durée de vie longue. Sans oublier le risque associé à la prolifération des armes nucléaires, que l’existence d’une industrie nucléaire civile peut favoriser.

Les trois premières catégories de risques, que l’on peut qualifier de risques industriels doivent être prises très au sérieux, mais on peut identifier des solutions elles-aussi industrielles. Les risques en fonctionnement normal pourront être limités, à condition que ne soit tolérée aucune enfreinte aux règlements de sécurité. Les risques d’accident supposent aussi que la culture du risque et de la vigilance soit maintenue là où elle existe, et réinstaurée là où elle pourrait être défaillante. Enfin la question des risques associés aux déchets à durée de vie longue est plus complexe car elle renvoie à des choix structurants pour la gestion à long terme des ressources globales en combustibles nucléaires et pour les filières à mettre en œuvre : faut-il stocker les déchets ; le faire de manière irréversible ou de manière réversible ; ou faut-il plutôt retraiter ces déchets afin de produire d’autres matériaux fissiles, dont le plutonium qui, recyclé dans des filières surgénératrices (de quatrième génération), permettrait d’augmenter considérablement la ressource mondiale de combustibles ?

Il est clair qu’une relance mondiale, étendue à d’autres pays que les détenteurs historiques de nucléaire civil supposerait que ces questions soient clairement posées et qu’elles trouvent des réponses dans un cadre international multilatéral. Parallèlement aux négociations-climat qui doivent assurer la poursuite du processus du Protocole de Kyoto, il s’agit certainement de l’un des domaines dans lequel le besoin d’un accord international se fera le plus sentir dans les années à venir. La mise en place d’un régime nucléaire international sera sans doute la condition d’une contribution significative de cette énergie à la solution des problèmes climatiques.

Bibliographie :

L'énergie à l'heure des choix par Pierre Papon, Belin 2007, 288p., ISBN10 : 2-7011-4443-4

L’énergie nucléaire, comprendre l’avenir, Bertrand Barré et Pierre-René Bauquis
Hirlé 2007, 188 p., ISBN 2914729502

Etude économique prospective de la filière électrique nucléaire Rapport au Premier ministre de J.-M. Charpin, B. Dessus et R. Pelat, 2000, 285 p.

Sitographie :

http://www.worldenergy.org/

http://web.mit.edu/nuclearpower/

http://www.global-chance.org/

http://www.iea.org/